La Cour de cassation a rendu une série de sept arrêts à propos de plusieurs salariés d’un supermarché
qui avaient démissionné suite à des méthodes de management visant à les pousser à bout.
Les témoignages des salariés ainsi qu’un rapport de l’inspection du travail ont en effet révélé qu’avait été institué dans l’entreprise un mode de management par la peur allant jusqu’au « mobbing », c’est-à-dire une forme de harcèlement collectif, concerté contre une personne afin de la mettre à l’écart et la pousser à quitter l’entreprise.
Concrètement, ce « mobbing » se matérialisait par de l’irrespect, des pressions psychologiques, de l’hyper-surveillance, l’incitation à la délation, des réprimandes vexatoires en public ou en privé et d’autres situations d’isolement. Tel était le quotidien de ces salariés dont certains se sont vus déclarés – en urgence – en inaptitude totale par le médecin du travail.
L’employeur a été condamné par la Cour d’appel de Poitiers à verser à chacune des sept victimes entre 2000 et 6000 euros de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de prévention des risques psychosociaux. Tout employeur est en effet débiteur envers ses salariés d’une obligation de prévention des risques professionnels, l’obligeant à prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des salariés. Cela peut consister en des actions de prévention des risques professionnels, des actions d’information et de formation, la mise en place d’une
organisation spécifique et de moyens adaptés.
Pour contester sa condamnation, l’employeur arguait qu’aucun fait de harcèlement moral n’avait été établi puisqu’il avait été relaxé de ce chef d’accusation lors du procès pénal. Mais la Cour de cassation distingue cette obligation de prévention des risques professionnels de la prohibition du harcèlement moral. Ainsi, il n’est pas nécessaire que le harcèlement moral soit reconnu pour que le non-respect de l’obligation de prévention entraîne une condamnation.
Si le directeur du magasin est, en parallèle, relaxé du chef de harcèlement moral, cela n’empêche
donc pas les juges de constater, en s’appuyant sur le rapport de l’inspecteur du travail et
les témoignages des salariés, que de très nombreux salariés de l’entreprise avaient été confrontés
à des situations de souffrance au travail et à une grave dégradation de leurs conditions
de travail induite par un mode de management part la peur. En attestent d’ailleurs la vague de
démission notamment de la part des salariés les plus anciens ainsi que des états dépressifs chez
plusieurs salariés allant, pour certains, jusqu’aux pensées suicidaires.
Le manquement de l’employeur à son obligation de prévention des risques professionnels à
l’égard de l’ensemble des salariés de l’entreprise étaient donc clairement caractérisé.
Soc. 6 décembre 2017 n°16-10885 ; n°16- 10886 ; n°16-10887 ; n°16-10888 ; n°16- 10889 ; n°16-10890 ; n°16-10891